DISCOURS DU CHEF D'ETAT MAJOR DE LA MARINE AMIRAL ABDOU SENE L'OCCASION DE LA RECEPTION DU NAVIRE LE WALO
Excellence Monsieur le Président de la République,
Tout d’abord, je vous souhaite la bienvenue à la base navale Amiral Faye GASSAMA ainsi que Monsieur le Premier Ministre, le Ministre des Forces armées et l’ensemble des membres du Gouvernement. J’associe à ces souhaits de bienvenue tous les invités ici présents.
A l’entame de mon discours, je tiens, Monsieur le Président de la République, à vous exprimer toute ma profonde gratitude pour la confiance renouvelée et placée en ma modeste personne, non seulement pour m’avoir promu au grade d’amiral mais aussi pour avoir successivement fait de moi le Conseiller Défense de votre illustre Premier Ministre dont j’ai eu l’honneur et l’immense plaisir de servir sous ses ordres clairvoyants et actuellement, en tant que Chef d’Etat-major de la marine nationale. Je vous en suis éternellement reconnaissant et vous réitère, publiquement et solennellement, une fidélité et une loyauté inoxydables.
Monsieur le Président de la République,
Je me permettrai aussi, avec votre autorisation, de remercier le Ministre des Forces armées pour son soutien permanent durant tout le processus de réalisation de ce projet OPV et aussi le Chef d’Etat-major général des Armées pour ses orientations et son contrôle diligents qui ont permis l’aboutissement de cette première phase et aussi l’organisation de cette cérémonie.
J’associe à ces remerciements, le Président du Groupe PIRIOU, Vincent Faujour et l’ensemble de son personnel pour la qualité du service fourni dans le cadre de ce projet, sans oublier les autres partenaires impliqués dans la construction des OPV, à savoir les sociétés Naval Group et MBDA. Il convient ici de souligner l’esprit inclusif et la flexibilité du chantier PIRIOU et de nos partenaires qui ont permis, dans un processus dynamique, de prendre en compte nos desideratas et mesures correctives pour faire des OPV des navires de guerre qui correspondent à nos options ergonomiques et à nos besoins opérationnels. Je salue aussi la qualité de la coopération de la marine française pour son appui dans la mise en condition opérationnelle du patrouilleur lance-missile.
Monsieur le Président de la République,
C’est aussi une occasion inespérée pour moi de témoigner, devant votre auguste personne, le travail accompli par mes prédécesseurs, de l’amiral Faye GASSAMA, en passant par l’amiral Alexandre DIAM jusqu’à l’amiral Oumar WADE et l’ensemble des générations de marins, pour l’œuvre gigantesque accomplie dans la construction d’une marine opérationnelle. Mes prières et pensées vont aussi à l’endroit de ces marins qui se sont donnés corps et âme jusqu’au sacrifice suprême pour servir notre patrie et la gloire de notre marine.
Monsieur le Président de la République,
Vous avez encore fait honneur à la Marine nationale, en marquant par votre haute présence effective ce jour où nous célébrons l’admission au sein de la flotte navale sénégalaise et le baptême officiel du premier patrouilleur de haute mer lance-missile. C’est ici, au sein de cette base où vous aviez annoncé votre vision stratégique qui va façonner notre destin maritime. Je vous cite : «Avec la prééminence des enjeux maritimes à l’échelle mondiale et la découverte d’importantes ressources naturelles dans notre pays, la gestion de notre espace maritime constitue un enjeu capital pour notre nation. C’est pourquoi, j’ai pris l’option stratégique de doter la marine de moyens nécessaires à la prise en charge efficace des défis économiques et sécuritaires liés à la gestion de notre espace maritime». Fin de citation. Ce jour, vous avez apporté une réponse claire aux préjugés et à certains cercles universitaires et Think Tank qui disent que les africains ne sont pas capables de développer une pensée stratégique navale. Que nenni ! Monsieur le Président de la République, vous avez bien théorisé une stratégie navale et vous l’avez mise en œuvre au moment opportun. Vous avez ainsi clairement ordonné le cap et il s’agit pour nous de le tenir pour arriver à bon port.
C’est ainsi qu’au moment où je prends le commandement de la Marine nationale, cette armée va amorcer une phase importante dans son processus de développement et de transformation. Cette phase coïncide avec un contexte particulier où le Sénégal est en voie de devenir un pays producteur de pétrole et de gaz grâce à une exploitation industrielle offshore.
Conscient des enjeux multiples résultant de cette maritimisation renforcée de notre économie nationale, Monsieur le Président de la République, vous avez mis en place un programme inédit d’équipement et de modernisation de la Marine afin de lui permettre de mieux prendre en charge les problématiques liées à cette complexification de notre espace maritime.
Cette haute volonté politique a placé la Marine nationale dans une véritable ère de transformation technologique voire de révolution des affaires militaires, comme diraient les anglo-saxons, marquée, particulièrement, par l’acquisition de capacités nouvelles telles que les patrouilleurs lance-missiles dotés de systèmes d’armes à la pointe de la technologie, des drones et la création d’une Ecole de la Marine aux infrastructures et aux équipements modernes et flambant neufs.
Notre institution a ainsi sans nul doute, grâce à la vision et à la culture stratégique de son Chef suprême, atteint l’âge de la maturité.
C’est pourquoi, à cet âge de la maturité, son identité doit être claire et bien comprise. Cette identité, longtemps affirmée, qui s’est surtout faite dans le temps par la pratique coutumière et régalienne de ses missions.
Ainsi, la Marine nationale est d’abord, d’une part, une force navale et militaire dont la fonction est encadrée par la loi 70 -23 du 06 juin 1970, modifiée, qui définit le cadre d’exercice de la défense et la mission fondamentale des Armées. A ce titre, en tant qu’armée de mer, la Marine joue pleinement son rôle dans la posture permanente de sureté qui garantit l’intégrité du territoire national. Elle est ainsi une sentinelle en mer chargée de veiller et de protéger le sanctuaire national et aussi de riposter contre toute menace venant du large. Parallèlement, elle s’engage aussi, en permanence, aux côtés des autres armées de terre et de l’air, dans des opérations interarmées sur le territoire national et, en cas de besoin, sur un théâtre extérieur en mettant en œuvre des moyens de projection de forces. C’est tout cela qui fait son identité militaire et son appartenance aux Forces armées garantes de la défense du territoire et de la protection des populations et de leurs biens.
D’autre part, la Marine est aussi et en même temps une administration dont la majeure partie de ses missions est ancrée dans l’action de l’Etat en mer. Elle assure ainsi une fonction de garde-côtes qui vise à garantir la protection et la durabilité des ressources marines, animales ou minérales contenues dans la Zone économique exclusive, et qui donc fait appel à des mécanismes opérationnels d’application de la loi dans ce vaste espace maritime, sous juridiction sénégalaise, de plus de 212.000 km2. Elle mène aussi des missions de service public comme le secours et le sauvetage afin de protéger la vie de nos compatriotes en mer. Dans cette même veine, la Marine aide aussi les autres administrations de l’Etat compétentes en mer à mieux accomplir leurs missions respectives et régaliennes en mettant en place des cadres de coopération technique et opérationnelle.
En définitive, la Marine est donc une institution qui repose sur deux pieds : l’un dans la défense militaire du territoire et l’autre ancré dans l’application de la loi en mer. Cette nature bivalente résulte d’une option forte de l’Etat du Sénégal, depuis l’indépendance, de faire de la Marine le bras armé et légal de l’Etat en mer. C’est ainsi toute la vocation d’une marine dont la mission est de défendre le territoire national, de contrôler et de dominer la Zone économique exclusive afin d’y appliquer la loi et aussi d’être capable de pouvoir assumer des responsabilités régionales dans le cadre de mécanismes de sécurité maritime collective.
Notre rôle, en tant que Chef d’Etat-major de la Marine nationale, consiste donc à asseoir cette identité et cette maturité de notre institution en mettant en place un cadre de haut niveau d’expression de ses missions régaliennes et de coopération avec les marines africaines et du monde.
Pour ce faire, il faudrait que la posture de la Marine repose sur une véritable stratégie navale avec un contrat opérationnel clairement identifié et des processus et des moyens pour y parvenir. Monsieur le Président de la République, par votre vision stratégique, vous nous avez mis sur cette trajectoire historique de l’accomplissement d’un grand destin de la Marine.
Ainsi, pour la défense militaire, il s’agira donc d’élaborer et de mettre en œuvre un concept d’emploi des forces navales en parfaite cohérence avec les autres composantes des Armées dans cette posture globale de défense de l’intégrité du territoire, de développer les capacités dans les différents domaines du combat naval mais aussi d’être capable de jouer correctement sa partition dans une opération interarmées.
Quant à l’action de l’Etat en mer, la Marine nationale réaffirme sa centralité et sa primauté dans la prise en charge de tout le spectre de missions et de problématiques y relatives dans l’ensemble de la Zone économique exclusive.
Elle renforcera les capacités d’action de police des commandants d’unités navales et assurera la coordination opérationnelle de toute situation d’urgence en mer, en veillant à l’emploi cohérent et optimal des moyens d’action de l’Etat relevant des différentes administrations compétentes en mer. Elle mettra aussi son expertise à la disposition de ces différentes administrations dans le cadre de convention de partenariat fixant des actions mutuelles de coopération technique et opérationnelle.
Je mesure la lourde tâche qui attend les marins car nous devons, à chaque instant du déroulement inexorable du temps, être plus performant dans nos actions mais aussi toujours ferme et résilient comme quand nous affrontons intrépide les violents embruns salés d’une mer déchaînée provoqués par la tempête.
Pour atteindre nos objectifs, il nous faut tout d’abord des hommes et des femmes, bien formés et motivés, qui aiment leur métier pour toujours faire face à l’adversité en mer. Il nous faut aussi miser sur la technologie qui est un facteur multiplicateur de réussite et d’efficacité dans nos actions de tous les jours. Il s’agira aussi de renforcer le professionnalisme et le savoir - faire du personnel par la formalisation de procédures et modes opératoires et l’optimisation d’une organisation capable de prendre en charge, de manière efficiente, aussi bien les missions de défense que celles ancrées dans l’action de l’Etat en mer.
Pour cela, la mise en place d’un environnement pédagogique moderne et adapté, dans le cadre de l’école de la Marine, permettra de développer cette culture opérationnelle indispensable à toute marine de guerre, sans occulter l’apport non négligeable de la coopération opérationnelle avec les marines partenaires pour l’acquisition de certaines aptitudes dans les différents domaines de lutte. A cela, il faut ajouter la mise en place d’un écosystème scientifique et technique capable de garantir un soutien logistique efficient et une maintenance adéquate des unités navales et aussi, en cas de besoin, la réparation des systèmes d’armes embarqués.
Par ailleurs, la maitrise de l’environnement juridique et de la législation autour de l’action de l’Etat en mer permettra de renforcer l’aptitude des hommes à assurer la fonction régalienne de garde-côtes dans l’accomplissement des missions de police maritime qui exigent un usage calibré de la force pour exercer l’autorité de l’Etat en mer.
Des marins professionnels et épris du plus beau métier du monde et une maitrise de la technologie et de l’innovation, voilà ce qui fonde les grandes marines du monde et la Marine nationale de notre pays a fait le pari d’y figurer grâce à l’impulsion et la vision du Chef suprême des Armées.
Oui, Monsieur le Président de la République, c’est un privilège d'être un pays maritime et c’est cela qui justifie l’existence d’une marine et c’est cela qui a fait de nous des marins, des navigateurs mais aussi des soldats et combattants en mer, au service de leur patrie. Merci Monsieur le Président de la République d’avoir très tôt et mieux compris que nous tous cette citation du Prince de Joinville qui dit, je le cite : « En Marine, rien ne s’improvise, pas plus les bâtiments que les hommes. Pour avoir une Marine, il faut la vouloir beaucoup, et surtout la vouloir longtemps. » Fin de citation.
Monsieur le Président de la République vous l’avez voulu beaucoup en nous dotant de beaucoup de capacités jamais obtenues dans notre histoire navale ; c’est donc à nous de la vouloir longtemps en entretenant précieusement votre legs historique qui restera longtemps gravé en lettres d’or dans la mémoire collective de notre chère marine.
« En mer pour la patrie ».
« On nous tue, on ne nous déshonore pas ».
DAKAR, LE 03 AOUT 2023
